L’excellente Roxana Azimi, journaliste spécialiste des questions artistiques en France, n’y va pas par quatre chemins dans son dernier article paru dans le journal Le Monde. La Guerre des Sables, titre-t-elle pour introduire sa présentation du paysage artistique de l’EEAU, Etat des Emirats Arabes Unis. Premier constat : les Émirats ont choisi la culture comme enseigne de leur destination touristique et le luxe absolu comme stratégie touristique.
- Abu Dhabi : sur l’Ile de Saadiyat ( 27 km2), ou Ile de la Félicité, avec Le Louvre et de la Fondation Guggenheim, la plus grande du monde avec 30 000 mètres carrés, auxquels nous ajouterons un Modern and Contemporary Art Museum, ( architecte Frank Gehry), The Classical Art Museum, ( architecte Jean Nouvel) ;The Sheikh Zayed National Museum, the Performing Art and Conference Center ( architecte Zaha Hadid) ; The Maritime Museum,( architecte Tadao Ando) , la plus grande Biennale d’art du monde, sur le modèle de celle de Venise, en 2011 ; Abu Dhabi Classics, concerts prestigieux ; le Festival des arts vivants de l’Abu Dhabi ( Abu Dahbi Music and Arts Foundation) ; 29 hôtels très haut de gamme, 3 marinas et 2 golfs, un circuit automobile de F1 .
- Fréquentation touristique : 3 millions d’arrivées touristiques attendues en 2015
- Dubai : la Gulf Art Fair, inaugurée en 2006, La Sorbonne, l’hotel Burj El Arab, un hôtel sept étoiles construit sur une ile artificielle, The World, iles formant une carte du monde ; l’installation d’un Bureau permanent, pour le marché de l’art, de Christies’s en avril 2005 ; le projet architectural du gratte-ciel Burj Dubai, plus de 800 mètres de haut attendus ; Dubail Mail, avec 40 000 poissons et 45 requins dans un aquarium
- Fréquentation touristique : 3.992 948 visiteurs au 1er semestre 2007
Et la Guerre des Sables, c’est la rivalité entre les villes devenues concurrentes à force de propositions culturelles, on l’aura compris.
Un jugement de Roxana tombe en fin de l’article, en forme d’interrogation : […] se demander comment l’art pourrait s’enraciner dans cette ville de transit aussi bling-bling.
Ken, notre américain qui a lui aussi essaimé sa culture populaire– d’Elvis (voir notre photo) au Monde de Barbie, a du souci à se faire avec cette nouvelle concurrence.
La culture, chacun le sait, prend naissance dans un TERREAU fertile, pas dans du sable. Et a besoin de la DUREE, ne peut exister EN TRANSIT ou en mobilité. Peut-on, en quelque sorte, construire et penser de nouveaux musées sans passer par la case « Maisons de la culture » ? Culture contre pétrole, label Louvre contre millions à la clef, laïcité contre religion…la France s’exerce son sport favori, la querelle, à l’occasion de la création de ces musées et particulièrement de celui de l’antenne du Louvre à Abou Dhabi.
A tout cela nous ajouterons toutefois trois questions :
- Quelles réflexions agitaient le petit monde cultivé de l’Orient lorsque Carolus Magnus ( francisé en Charlemagne) voulait copier, et en douce, par dessus le marché, la culture de l’Orient ?
- Quelles rigolades les agitaient aussi lorsqu’il reproduisait les plans centrés, à la lumière indéfinissable, pas du tout « orientée » à l’est, vers Jérusalem ?
- De quelles indignations ou de quelles indulgences firent-ils preuvent lorsque l’empereur d’occident envoyait ses émissaires voler, sur leurs territoires, des matériaux, des modèles d’architecture et de décoration – Je veux les mêêêêmes !!! – avec régularité ?
Et voilà, notre re-naissance carolingienne ressembla très fort au développement actuel de l’EEAU. Renaissance devait être un nom de code, d’ailleurs, car c’est moins l’Antiquité que visait Charlemagne, qu’un renouveau calqué sur l’orient!
Plus tard, beaucoup plus tard, en France, les bourgeois parisiens n’aimèrent ni la Tour Eiffel ni les peintres impressionnistes, qu’ils laissèrent volontiers aux acheteurs américains.
L’ avenir répondra aux questions posées par le développement culturel des Emirats, ou aux interrogations du Tourisme, très avare, hélas, en France, pour les propositions culturelles innovantes, pour structurer ou renouveler son offre de destinations.
Citons Rita Aoun, Conseiller culturel auprès de l’office chargé de la réalisation de Saadiyat « Plutôt que de nous orienter vers le commerce, par exemple, nous avons fait le choix de la culture et de l’art ».
Au cours de l’Histoire, la géographie du pouvoir, de l’innovation, de la culture, est très variable. Seul l’important reste : le désir.
- Photo : où l’on voit Elvis, The King, notre Ken en visite aux Emirates et une reproduction de Claude Viallat, artiste français du mouvement Support Surface…Le monde est compliqué, tâchons de le décrypter!